mardi 19 février 2019

Helvetica vs Arial - le choc des Typos


Helvetica ou Arial ?

C'était souvent la question que je me posais lorsque j'étais en présence de l'une ou l'autre de ces typographies lorsque j'étais étudiante. Pour ne (presque) plus se tromper, voici un petit point sur ces deux typographies et leurs subtiles différences.


Un peu d'histoire

La plus ancienne de ces deux typographies est l'Helvetica.


Il s'agit d'une police de caractère linéale sans empattements. La première version a été dessinée en 1957 par le graphiste zurichois Max Miedinger alors qu'il était employé par la fonderie suisse Haas, à Bâle. Elle s'appelait alors la Haas Grotesk. Son nom était tiré de l'Akzidenz-Grotesk, dont elle est une déclinaison subtile. 
Max Miedinger a été épaulé dans la création de la Haas Grotesk par Edouard Hoffman, le directeur de la fonderie Haas. Cette première version a été retravaillée pour donner naissance à L'Helvetica en 1960, puis la Neue Helvetica en 1983 par la fonderie Linotype.

Cette police a été remaniée à de multiples reprises dans ses pleins et ses déliés, avec pour objectif l'harmonie optique. Elle est d'une grande lisibilité, et son tracé très neutre lui permet de se prêter à beaucoup d'usages. Elle est aujourd'hui l'une des polices les plus connues et l'une des plus utilisées dans le monde.

À la fin des années 80, quand Adobe a développé le langage PostScript, ils ont naturellement choisi l'Helvetica pour faire partie des quatre typographies de base de leurs programmes qui utilisaient le langage PostScript (avec Times, Courier et Symbol). Ils ont utilisé les typographies originales pour montrer leur respect envers le travail des fonderies et des designers (et se sont surtout rendu compte que s'ils utilisaient des versions remaniées de ces typos, les professionnels de l'industrie graphique bouderaient leurs programmes).

Mais il y a un mais. Il existait deux types de polices PostScript : la Police 1 et la Police 3, la première possédant une bien meilleure définition (et donc finesse dans le dessin typographique) que la seconde. Adobe a décidé de garder pour lui le secret de la technologie de la Police 1 et de divulguer seulement celui de la Police 3.

Dans le même temps, des "clones" du langage PostScript furent développés pour concurrencer Adobe. Ces "clones" ont donné naissance à des substituts de polices de caractère, puisque les licences originales de ces polices étaient détenues par Adobe. 

C'est dans ce contexte qu'est né l'Arial.


L'Arial a été dessiné en 1982 par une équipe de dix personnes, dirigée par Robin Nicholas et Patricia Saunders, pour la fonderie Monotype. C'est une adaptation du Monotype Grotesk de 1915, redessinée pour correspondre aux proportions de l'Helvetica. Au premier coup d'oeil et pour un regard peu entrainé il ressemble à l'Helvetica comme deux gouttes d'eau, ce qui permettait de remplacer l'Helvetica par l'Arial dans un document lorsque la police originale était manquante. 

Mais même si leurs proportions sont identiques, l'Arial n'est pas pas une copie de l'Helvetica.


Quelques différences

L'Arial a un dessin plus rond que l'Helvetica, avec des courbes plus douces, plus pleines et des formes plus ouvertes. Les pointes des caractères ne se terminent pas de manière horizontale ou verticale comme l'Helvetica, mais possèdent des terminaisons plus naturelles dont l'angle est en relation avec la direction du trait. Le G de l'Helvetica a une spur que l'Arial n'a pas. La diagonale du R de l'Helvetica est beaucoup plus souple que celle du R de l'Arial... 

Ces tableaux illustrent bien les différences entre Arial et Helvetica :


Bref, vous l'avez compris, les différences entre ces deux polices de caractères sont multiples. L'Arial reste cependant la plus populaire des deux car elle est fait partie des typographies système des ordinateurs, mais l'Helvetica est souvent bien plus populaire chez les designers graphiques pour les travaux destinés à l'impression, notamment grâce à ses multiples graisses.

Saurez-vous maintenant distinguer ces deux typographies lorsque vous les verrez ? Je vous propose de vérifier ça tout de suite avec le test Ironic Sans
Bonne chance ! ;)

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Pour aller plus loin


Quelques logos qui utilisent l'Helvetica :




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sources :

samedi 8 février 2014

Le musée de l'imprimerie de Nantes - Projet "Gros Mots"

Il y a quelques mois de cela, j'étais encore étudiante en Diplôme Supérieur d'arts appliqués à Rennes. Durant ma première année, j'ai eu la chance de participer à un projet en collaboration avec le musée de l'imprimerie de Nantes. Et comme j'ai toujours mon appareil photo greffé à la main, j'ai décidé de vous faire partager en images cette expérience riche en découvertes !

Tout d'abord, il faut savoir que le musée de l'imprimerie de Nantes a une particularité par rapport au musée de l'imprimerie de Lyon. À Nantes, il n'y a pas de conservateur. On peut donc y découvrir des machines en état de fonctionnement, démonstration à l'appui, et le musée est tout à fait ouvert aux partenariats expérimentaux (comme ils l'ont fait avec nous pour ce projet). Plus de 400 artistes sont également passés par ce musée pour réaliser des estampes sur leurs presses, et des livres d'artistes.

Vous l'avez compris, ce n'est pas un musée comme les autres où tout est conservé sous cloche, loin des mains du public.

À présent, le projet.

Le titre du sujet était " Gros Mots ". Il fallait également prendre en compte la relation entre le numérique et l'impression traditionnelle : " Pour les étudiants, il s’agit d’identifier un contexte, un problème de communication à résoudre et des solutions graphiques traitant de manière cohérente et crédible de la relation entre l’impression numérique et l’impression à l’aide de caractères de bois, pour parvenir à une production qui dépasse le simple enjeu technique et fait véritablement sens... "

La question que je me suis posé pour ce sujet était : " À quoi ressemblerait un site web s'il était imprimé en caractères de bois ? ". J'ai donc opposé le geste manuel, long et fastidieux, propre à l'impression en caractères de bois, à la rapidité d'affichage d'un site web. Pour la partie " Gros Mots ", je me suis intéressée aux messages des réseaux sociaux, souvent vus comme de petits messages éphémères rapidement absorbés par le flux d'un fil d'actualité. J'ai choisi des messages échangés au moment du Printemps Arabe de février 2011, de la catastrophe de Fukushima de mars 2011, et du tsunami de Port-au-Prince. Les messages que j'ai choisi ont permis de retrouver des survivants, de sauver des personnes en difficulté, bref, de s'organiser. Pour moi, l'impression en caractères de bois redonne une temporalité humaine aux messages, ainsi qu'une nouvelle dimension, du poids, comme s'ils étaient encadrés ou mis sous verre.

Et maintenant, place aux images !

La première partie sera là pour vous donner des indications sur la marche à suivre pour imprimer avec une presse à bras Gaveau, ensuite je vous ferai faire un petit tour du propriétaire (rapide), et vous dévoilerai une petite partie du trésor typographique que recèle ce musée.

Bonne visite =)

(désolée pour la qualité de certaines photos, je ne traitais pas de format RAW à l'époque)


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Mon projet

On commence avec mon projet. Tout d'abord, je positionne mon bloc de texte sur la table en essayant caler les lettres en bois au bon endroit avec des petits morceaux de métal.
Le résultat obtenu s'appelle la forme.


Puis on positionne la forme sur le marbre de la presse.



On cale tout avec des petits blocs aimantés sur la plaque.


Une fois que tout est en place, on applique la feuille sur la forme imprégnée d'une encre pâteuse.


Puis on tourne une manivelle pour que le berceau qui porte le marbre aille sous la platine de la presse.


On prend le barreau à deux mains, et on presse FORT !


Et voilà le résultat.


On déplace la forme pour que le texte aille exactement au bon endroit sur la future affiche.


Une fois la forme calée au bon endroit, on utilise la bonne couleur d'encre, et on recommence sur l'affiche définitive.


Voilà ce que ça donne :



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Les projets des autres étudiants

Voilà, mes affiches sont imprimées. 
Je vais pouvoir vous montrer à nouveau la manoeuvre sur le projet de Marie.


On construit la forme sur le marbre de la presse à l'aide de petits morceaux de métal de différentes largeurs.



Marie veut une couleur bien spécifique pour son affiche. 
On va donc fabriquer cette couleur en mélangeant les encres.







On oublie pas de tester la couleur en tapotant avec le doigt sur un papier, 
car la couleur est toujours plus foncée une fois sèche. 
Ça s'appelle la touche.


On enduit le rouleau de cette encre grasse pour le passer sur la forme.
Au XVè siècle, l'encrage se faisait par balles que l'on imprégnait d'encre.
La forme était encrée avant l'impression de chaque feuille.



On applique le papier sur le texte, on tourne la manivelle, et on passe sous la platine de la presse.



Voilà le premier test effectué sur calque.


À présent, tout est affaire de réglages : il faut que le texte soit imprimé au bon endroit sur l'affiche.



Lorsque l'on ne veut pas imprimer toute la lettre
on peut faire des caches avec des petits bouts de papier.


Le projet de Baptiste :




Le projet de Marion, sur un autre type de presse.


Pas besoin de gros bras pour utiliser cette presse.





Le musée nous a proposé d'imprimer des grands formats pour eux, pour qu'ils puissent les vendre au public. Ce sont les professionnels du musée qui ont fait la forme pour ces affiches.







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À présent, les machines !

Celle-ci est sans doute la plus impressionnante du musée, de par sa taille.
Il s'agit d'une presse à platine, inventée à partir de 1811 par Koenig et Bauer.
Ce système a permis d'augmenter le format du tirage.

" La feuille de papier est prise par les pinces d'un cylindre qui tourne en contact avec la forme placée sur un marbre plan animé d'un mouvement de va-et-vient horizontal. À l'origine, elle servait à l'impression des livres et des journaux, plus tard à celle des affiches. "








La Linotype.

Elle fut inventée en 1884 par un horloger allemand, Ottmar Mergenthaler.
Cette machine permet d'effectuer la composition du texte, la fonte des caractères, et leur distribution. Son fonctionnement est impressionnant, car l'alliage en fusion bouillonne juste derrière la machine.


Je ne me souviens plus du nom de ces machines, mais elles ressemblent à des machines à écrire géantes. Et puis elles sont belles, alors elles ont leur place ici ;)


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Les caractères de bois

À présent, un peu de typo !















Les affiches du projet " Gros Mots " ont donné lieu à une exposition au musée de l'imprimerie de Nantes. Si vous voulez découvrir les affiches des étudiants, vous pouvez vous rendre sur la page du dossier de presse du projet.

J'espère vous avoir donné envie de découvrir ce musée. N'hésitez pas à aller y faire un tour si vous passez à Nantes. Il y a des tas de techniques d'impression à découvrir (lithographie, taille douce...).


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Le musée de l'imprimerie de Nantes | Le dossier de presse du projet " Gros Mots "